Bruit Direct et Tanzprocesz présentent :
"Cheat Days" de TERRINE
Rien ne tourne jamais vraiment rond dans le monde bizarre et merveilleux de Claire Gapenne, fée clochette de la scène noise française qui vous transforme d’un coup de fouet magique un carrosse en citrouille. Artiste hyperactive et hyperactiviste, elle est investie depuis sept ans dans le collectif l’Accueil Froid qui accueille à Amiens la crème du rock expérimental. Curieuse de tout dans une ville où il n’y a (presque) rien hormis des jolis canaux et des chômeurs, sa musique est une soupape de sortie vers d’innombrables possibles. Si elle a surtout roulé sa basse dans Headwar et s’illustre dans maintes formations aux noms délicieusement idiots (Snif Nazal, Couteau Twins ou Me Donner, toujours en activité), la délurée Terrine trace sa route avec constance et détermination. Partout là où on ne l’attend pas, elle change son fusil d’épaule au gré des rencontres et de son art de plus en plus consommé du non-genre, passant du coq à l’âne avec finesse et subtilité. Pour cet LP solo judicieusement intitulé Cheat Days, elle concocte un croisement déroutant entre techno rachitique, dub claudiquant et improvisation piano-wave. Là où on pressentait de sa part un saut de l’ange dans l’EBM et la techno post-industrielle, voilà qu’elle nous prend à contrepied avec cet album tout en retenue, à la fois intimiste et minimaliste. On s’attend à danser sur de la limaille de fer et voilà que le signal se brouille, que la machine se grippe. Entre deux bruits de vestibules saisis au vol, elle se risque à accoupler Cabaret Voltaire et Pascal Comelade, The Shadow Ring et Bunker Records, la danse de St Guy et la rave party démembrée, le dub à combustion lente et les grésillements numériques, la no wave électronique et la techno de vide-grenier. Trop finaude pour se contenter de dérouler des BPM, sa musique ressemble à un décor escamoté derrière lequel se planquerait un vieux piano, poussiéreux et tout déglingué. Seule maîtresse à bord, elle privilégie ses modestes moyens au sound design de pointe et à l’artillerie lourde du dancefloor. Plutôt que les gros sabots, elle opte pour des ballerines crottées. Plutôt que de foncer dans le tas, elle se risque à l’entrechat. Pleine de ressource et fourmillant de projets dans tous les domaines, Claire Gapenne s’impose peu à peu comme l’une des figures les plus cruciales – et les plus joviales – de l’underground DIY. – Julien Bécourt